Le Rapport mondial sur la cocaïne élaboré par CRIMJUST et présenté lors de la CND en mars 2023 constitue une source inestimable d’informations sur le marché mondial de la cocaïne, notamment sur les tendances en matière d’itinéraires et de modalités de trafic, les acteurs criminels, la production de cocaïne, les produits associés et sa relation avec d’autres drogues. Le 19 avril 2023, CRIMJUST a fourni une présentation personnalisée du Rapport mondial sur la cocaïne au “Red de Fiscales Antidroga de AIAMP”, un réseau de procureurs ibéro-américains créé en 2014.
Mme Chloe Carpentrier, chef de la section de recherche sur les drogues à l’ONUDC, a donné un aperçu des aspects mondiaux du rapport. Elle a souligné que plus de 20 représentants de différents pays et organisations internationales ont été interviewés et que des données ont été collectées dans les pays d’origine, de transit et de destination. Mme Carpentier a passé en revue les principales conclusions du rapport. L’offre de cocaïne a augmenté et la demande semble réagir en conséquence, mais de manière plus progressive. L’Europe est devenue une destination principale pour la cocaïne, et certaines régions d’Europe de l’Ouest ont développé de nouvelles pratiques de consommation telles que le crack. Les données sur les groupes criminels impliqués dans ce marché ont mis en évidence une concurrence intense entre eux ainsi qu’une augmentation du nombre de prestataires de services afin de limiter leur risque et leur visibilité. De nouveaux itinéraires et nœuds ont été détectés, en particulier l’itinéraire du cône sud, qui part du Pérou ou de la Bolivie, passe par le Paraguay et sort par l’Argentine ou l’Uruguay. Avec le développement de ces nouveaux itinéraires et le niveau élevé du produit dans les pays d’origine, une croissance substantielle du marché semble très probable, en particulier s’il s’étend à des régions jusqu’ici épargnées, telles que l’Afrique et l’Asie.
M. Antoine Vella, chargé de recherche au sein de la section de recherche sur les drogues de l’ONUDC, a évoqué deux conclusions spécifiques : le marché de la cocaïne est en plein essor, avec des niveaux de culture, de saisie et de consommation plus élevés que jamais ; et le marché mondial de la cocaïne est très localisé, les trois quarts des consommateurs de cocaïne se trouvant sur ses deux principaux marchés (Amériques et Europe), qui représentent également 90 % des saisies alors qu’ils ne représentent qu’un cinquième de la population mondiale. M. Vella a conclu en soulignant que les données montrent le potentiel de croissance significative du marché mondial de la cocaïne, non seulement en termes de production et d’offre, mais aussi en termes de demande inexploitée dans de nouvelles régions, dont certaines pourraient être des pays de transit actuels.
M. Luis Toledo, du Centre chilien pour la sécurité publique et le crime organisé, a souligné trois points : l’ensemble du marché mondial de la cocaïne est approvisionné par trois pays d’Amérique du Sud ; la croissance de la violence le long des frontières (en particulier dans les villes frontalières) et l’arrivée de nouvelles organisations criminelles qui ont modifié les structures de pouvoir et les habitudes opérationnelles. Ces nouvelles relations criminelles entre groupes européens et sud-américains ont conduit à la pratique d’échanger des drogues de synthèse contre de la cocaïne, ce qui a augmenté le nombre de drogues de synthèse sur le marché sud-américain. De plus, des quantités record de précurseurs chimiques ont été saisies en Amérique du Sud cette année, et certains pays producteurs de coca (en particulier le Pérou et la Bolivie) n’ont pas encore mis en place une législation qui permette de contrôler efficacement ces produits chimiques.
M. Antonio Valverde, responsable de la prévention de la criminalité et de la justice pénale au sein de la Direction générale de la gestion des frontières, a remercié l’Union européenne pour son soutien continu au projet CRIMJUST par l’intermédiaire du Programme mondial sur les flux illicites. Il a souligné que c’est grâce à des réseaux comme RFAI que des données précises sont disponibles dans le rapport pour évaluer les itinéraires et les saisies et pour élaborer des politiques fondées sur des faits. CRIMJUST utilisera ce rapport pour aider les acteurs de la justice pénale à développer de nouvelles stratégies pour démanteler et perturber les réseaux criminels, ainsi que pour renforcer la collaboration entre les praticiens de la justice pénale afin de cimenter une plus forte coopération transrégionale.