Le 26 juillet, ENACT, composant du GIFP, a tenu un séminaire sur l’Afrique centrale, la nouvelle région de prédilection pour le crime organisé. Avec des intervenants d’ENACT, d’INTERPOL, de l’Initiative mondiale contre le crime transnational organisé, et du Comité des chefs des services de police d’Afrique centrale, le séminaire s’est intéressé aux causes du crime organisé en Afrique centrale et aux facteurs responsables du faible niveau de résilience. En outre, plusieurs études de cas ont examiné l’architecture criminelle régionale.
Le Colonel Koua, chef du Sécretariat permanent du Comité des chefs des services de police de l’Afrique centrale, a souligné que la région, avec ses ressources naturels abondants, attire des groupes criminels organisés qui profitent d’un nombre de facteurs leur permettant de générer d’importants profits et d’accroitre l’insécurité. Pour M. Koua, ce séminaire était une cadre non seulement pour discuter de la criminalité régionale, mais aussi pour réfléchir aux réponses nécessaires face à l’évolution du paysage criminel.
L’architecture criminelle du pays fut premièrement examinée à travers l’Indice du crime organisé en Afrique 2021, à lire ici. Initialement publié en 2019, cet indice est un outil multi-dimensionnel qui évalue la criminalité et la résilience des pays africains. L’Indice du crime organisé en Afrique est un exemple de recherche qui peut être appliqué dans la pratique pour améliorer les réponses aux menaces criminelles transnationales. L’Indice 2021 souligne que la majorité des Africains vivent dans des pays à forte criminalité et dans des pays où le niveau de résilience est faible. En 2021, l’Afrique centrale fut la région qui a connu la plus forte augmentation des niveaux de criminalité, en particulier des crimes environnementaux tels que le braconnage et l’exploitation forestière illégale. D’autres marchés criminels importants sont le trafic d’armes -lié au contexte de conflit régional-, le trafic d’êtres humains et la traite des personnes, et ceux liés aux ressources non renouvelables, tels que le trafic illicite de coltan.
Ce trafic illicite de coltan dans la République Démocratique du Congo fait l’objet d’un rapport récent publié par ENACT. Le coltan est un minérai essentiel pour l’industrie électronique, et un large réseau de criminalité organisée est étroitement lié à sa production et aux différentes étapes de sa chaine d’apprivoisement. Les mines de coltan de la RDC sont souvent dans des zones recluses et avec peu de présence gouvernementale, entrainant l’intéraction d’acteurs et d’activités licites et illicites tout au long de la chaine d’apprivoisement. Lors du séminaire, M. Ojewale, auteur du rapport, a présenté plusieurs recommandations politiques destinées au gouvernement, à la société civile, à l’Union africaine, et au secteur du commerce.
Malgré la forte progression de la criminalité dans la région, les pays de l’Afrique centrale ont du mal à établir des mesures efficaces et une législation contre le crime organisé, ce qui affaibli la résilience régionale.
Cependant, ils existent des initiatives pour renforcer leur résilience. INTERPOL travail en Afrique centrale pour aider les forces de police africaines à adopter des stratégies pro-actives pour lutter contre le crime organisé, et améliorer les enquêtes et l’échange des informations. Madame Richard-Bober a souligné l’importance de l’analyse de données criminelles dans la lutte contre le crime organisé. Dans ce contexte, la stratégie analytique d’INTERPOL repose sur trois piliers : le renforcement des capacités et formation, la rédaction de rapports d’analyse régionaux et continentaux, et la création d’unités d’analyse.
M. Ayenengoye, chef d’une de ces unités d’analyse au Gabon, a présenté des données sur la piraterie maritime au Gabon et dans le Golfe de Guinée. Il se trouve que les groupes criminels organisés liés à la piraterie maritime sont presque exclusivement composés d’anciens pêcheurs issus du Delta et des pays riverains. Les actes de pirateries recensés récemment ont un but uniquement lucratif, avec la majorité des cibles des pirates étant des navires marchands, des navires citernes, et des navires de pêche.
M. Obambi, chef de l’unité d’analyse au Congo, a exposé un cas d’étude sur une nouvelle forme de criminalité au Congo – des bandes organisées de mineures criminelles. En 2021, un nouveau variant du phénomène criminel « les bébés noirs » apparait, avec des bandes composées de filles mineurs qui sont spécialisées dans les actes de racolage, prostitution, extorsion, vol, coups et blessures volontaires, et rixes sur la voie publique. Il existe un risque que ce type de criminalité soit exporté vers d’autres pays et villes d’Afrique centrale.
Les outils comme l’Indice de crime organisé en Afrique et l’analyse de données criminelles sont d’une grande utilité pour les décideurs politiques. Avec une vision holistique des activités criminelles dans la région, des politiques et mesures peuvent être fondées sur des données probantes. ENACT est un centre de recherche et de connaissances qui rassemble différents partenaires pour partager des informations et des bonnes pratiques. Il contribue au développement de la capacité locale et régionale à répondre au crime organisé.